Le continent américain entre tensions et intégrations régionales

INTRODUCTION: un ou des continents américains?

Réflexions sur les distinctions de ces deux immenses territoires continentaux, reliés par un isthme.

	Amérique du Nord	Amérique du Sud et amérique centrale/caraibe
Superficie (m° de km²)	24,9	18,3
Habitants (millions)	528	448
Pays	3	33
Part dans le PIB mondial	Environ 25%	Environ 15%
Langues majoritaires	Anglais, espagnol	Espagnol, portugais
Principale religion	Protestantisme	catholicisme

Une Amérique du Nord issue de la colonisation anglo-saxonne et majoritairement protestante, et au sud, une Amérique du Sud issue de la colonisation espagnole et portugaise catholique. Les Amérindiens = encore une forte proportion de la population au sud du Mexique,Amérique centrale, pays andins.

De fortes différences de culture et de développement, des volontés d'hégémonies attisent les tensions qui affectent l'Amérique latine et la concurrence entre les différentes associations régionales.

Problématique:

Quels sont les facteurs des tensions entre les différentes aires du continent américain? Quelles sont les tentatives d'intégration de cet immense territoire, et sont-elles facteurs de développement?

I- Disparités de développement et tensions à toutes les échelles

A°/ D'importants écarts de développement au sein du continent (carte p.225; repère p.226)

1- Des écarts Nord-Sud de développement

• Des disparités de développement N/S similaire aux observations planétaires, présentant les mêmes caractères.

  • Des donnés démographiques et socio-démographiques inégales:

	Canada	Brésil	Haiti
Espérance de vie à la naissance	81	73,3	61,9
PIB/hab ($)	50577	11067	852
Taux de fécondité	1,6	1,8	3,3
Durée moyenne de scolarisation (année)	12,3	7,2	4,9
IDH	0,902	0,744	0,471

• Le système migratoire connait lui aussi une polarisation Sud-Nord.

  • Avec 25 m° de ressortissants latino-américains, l’Amérique Latine constitue le principal destinataire mondial des transferts d'argent en provenance de migrants (les remesas: 60 Mds $ en 2011, presque 16% du PIB de certains PIB (Salvador, Nicaragua en 2004), 25% pour Haiti (2004)

  • Tropisme américain: 50% des migrations, langue espagnole en voie de devenir la 2e langue parlée.

  • Mais depuis 20 ans, on assiste à une intensification et élargissement du système migratoire (Europe) = > s'explique par les politiques de fermetures frontalières des USA + développement mondialisation et échanges.

2- L'Amérique du Nord regroupe les Etats les plus développés

• Les USA: lieu central du continent américain.

  • PIB 2014: 17416 Milliards de $, 7fois plus que le Brésil, 2e PIB du continent.

  • Concentration d'importants lieux centraux de l'espace mondial: mégalopolis du nord est; Sun Belt, New-York, ville mondiale...

  • influence immédiate et forte attraction sur les pays et espaces voisins: Canada, Mexique, espace Caraïbes.

• Canada: un territoire riche en ressource (pétrole) et espace complémentaire des USA: commerce, approvisionnement énergétique.

=> espaces les plus développés auxquels il faut ajouter les territoires appartenant à la France et RU dans les Caraïbes.

3- Contrastes de développement dans l'ensemble latino-américain

• A l'échelle de l'ensemble latino américain, on fait le constat depuis le début du XXIe s. d'un nouvel élan pour les pays de cet espace: croissance économique et progrès sociaux, impulsés par le développement de la démocratie représentative (face aux dictatures) et de la stabilité politique. Cet espace s'intègre à la mondialisation par les ressources.

• Cependant 2 Amériques latines se dessinent:

  • L'Amérique latine émergente, qui bénéficie de la croissance

    • Mexique: s'appuyant sur la proximité des États-Unis pour une industrie de délocalisation, et développement du tourisme et des matières premières (pétrole dans le Golfe du Mexique).

    • Émergence des pays du "Cône Sud", qui ont connu une certaine émergence malgré les crises financières: Argentine, Chili, Uruguay

    • Le Brésil apparaît comme une puissance émergente.

  • "L'autre Amérique latine", ayant des indicateurs économiques et sociaux proche des "pays du sud", et une grande diversité de situations.

    • Ressources naturelles

    • Les États rencontrant les plus faibles PIB et IDH = les pays d'Amérique centrale (Honduras, Guatemala) ou enclavés (Bolivie, Paraguay)

    • Pays le plus défavorisé:Haïti (PIB 2014= 8 Mds $)

B°/ Des tensions diverses et à toutes les échelles

1- Tensions interétatiques héritées de conflits passés

• Guerres passées encore vives: Guerre de la Triple Alliance (1864-1870) voyant l'affrontement du Paraguay contre l'Argentine, le Brésil, l'Uruguay; guerre du Pacifique (1879-1883; Chili contre Pérou et Uruguay); Guerre du Chaco (Paraguay-Bolivie, 1932-1935)

2- Tensions sur les espaces frontaliers

• Eaux territoriales entre Colombie et Vénézuela

• Tensions entre les petits états d'Amérique centrale (ex. Guatemala/Belize, 1999)

• Tensions Argentine/Uruguay sur l'usage du fleuve frontalier.

3- Tensions internes liées à de multiples facteurs- doc.2 p.331; doc.3 p.333

• Revendications des populations indigènes revendiquant des droits ancestraux sur leurs territoires et défense de l'environnement: fronts pionniers en Amazonie (Brésil) ou au Chaco (Argentine).

• Guérillas de groupes armés, générant conflits armés et trafics (FARC en Colombie)

• Présence du crime organisé, des réseaux mafieux et des gangs: Mexique, Salvador, mais aussi grandes villes nord-américaines.

4- Tensions liées aux volontés hégémoniques des USA

• Les USA se considèrent comme une puissance protectrice (doctrine Monroe, 1823), garante de l'ordre dans la région.

• Un interventionnisme diffus, relayé par de multiples moyens: dollarisation des économies (Equateur, Salvador, Guatemala, Panama), investissements, interventions militaires directes (Cuba, avril 1961) ou indirectes (rôle dans le coup d'Etat de Pinochet au Chili, 1973).

• présence de bases militaires en Amérique Centrale et Caraïbes

• contrôle du canal de Panama (malgré sa restitution en 1999); embargo sur Cuba depuis 1962.

=> développement et entretien d'un sentiment "antiyankee", entretenu par Cuba et maintenant par le Vénézuela et la Bolivie (création de l'ALBA en 2005, Alliance Bolivarienne pour les peuples de Notre Amérique).

II- Des projets d'intégrations répondant à des objectifs multiples et parfois contradictoires carte 1 p.224, vocabulaire p.226

A°/ L'ALENA (NAFTA), une zone de libre-échange vecteur de puissance pour les USA

• Un accord entré en vigueur en 1994, entre Canada, USA, Mexique: création d'une zone de libre-échange qui organise la libre circulation des capitaux et des marchandises, mais pas la libre circulation des personnes.

• Instauration d'un rapport inégal entre les partenaires:

  • monde anglo-saxon riche et développé, dont les entreprises investissent librement au Mexique, mais voulant se prémunir contre une immigration jugée indésirable.

  • Le Mexique, pays moins développé (6% du PIB des USA) choisissant d'arrimer son économie au voisin du Nord, au risque de se scinder entre un Nord bien intégré ("Mexamérique") et un Sud pauvre, paysan et indien.

• Un marché immense cependant: 460 m° d'habitants (dont 318 m° aux USA), doté d'un PIB équivalent au ¼ du PIB mondial en 2012 (19 000 mds de $).

• Une intégration très centrée autour des USA: si le Canada et le Mexique bénéficient de la croissance de la zone, mais leurs systèmes productifs sont très dépendants de leur voisin étasunien. Les flux d'échanges sont ainsi majoritairement tournés vers les USA et les flux Mexique-Canada sont limités. L'objectif n°1 des USA reste de garantir ces approvisionnements énergétiques.

B°/ Des associations régionales qui souhaitent s'opposer à l'hégémonie américaine et favoriser l'émergence des Etats sud-américains.

1- Du bolivarisme au Mercosur

• les 1e initiatives d'intégration datent du XIXe s. avec les combats de Simon Bolivar, qui joue un rôle dans l'émancipation des colonies espagnoles d’Amérique latine, en tentant la création de la Grande Colombie (Colombie, Équateur, Panama, Venezuela) face au Brésil de l'empire portugais. Les dissensions internes ne permettent pas cette intégration.

  => Une union héritée du bolivarisme: l'ALBA, organisation sociale économique et politique pour l'intégration de l'Amérique latine et caraïbe. 2005. composée de petits pays caraïbes et Vénézuela, Cuba, Équateur, Bolivie.

• La CAN (Communauté Andine des Nations) fondée en 1969: Bolivie, Equateur, Pérou. Une union souffrant de la faiblesse des économies, du faible niveau d'échange entre les partenaires et les divergences politiques (libéralisme/socialisme).

• Le MERCOSUR: créé en 1990. Brésil, Argentine, Paraguay. Une zone de libre échange qui devient union douanière en 1994 (même tarif douanier pour les échanges avec les pays tiers).

  • Au cours des années 1990, accroissement du commerce entre ses membres.

  • Association de la Bolivie, du Chili, du Pérou Colombie, Équateur, adhésion du Vénézuela=> apparition d'une DIT entre pays membres.

• A partir de 2000, essoufflement à cause des divergences d'intérêts: Brésil, qui défend ses intérêts de puissance émergente. L'Uruguay refuse de se plier aux règles communes contraires à ses intérêts.

2- Un foisonnement d'organisations régionales, qui font cependant progresser le processus d'intégration.

• Nouvelles organisations qui favorisent l'intégration

  • CSN (Communauté Sud Américaine des Nations), en 2004, issue du rapprochement du MERCOSUR et de la CAN. 2008: UNASUR (Union des Nations Sud Américaines).

  • CELAC (Communauté des États Latino-américain et Caribéens), organisées au tour du Mexique, qui cherche à rivaliser avec le Brésil pour le leadership régional. 2010.

• Nouvelles infrastructures transfrontalières, qui participent au désenclavement de l'Amérique du Sud et l'ouverture au commerce mondial.

  • Axes routiers transcontinentaux

  • Aménagement du bassin du fleuve Parana permettant l'ouverture de la Bolivie et du Paraguay à l'Atlantique.

  • Gazoduc Vénézuela-Argentine.

• 2007: proposition de création d'une Banque du Sud par l'Argentine et le Venezuela, pour faciliter le financement de ces coopérations.

C°/ Quelles limites à l'intégration?

• 2005: rejet de la ZLEA (Zone de Libre Échange des Amériques), proposée par les États-Unis, qui aurait permis l'intégration des territoires de l'Alaska à la Terre de feu: 900 m° hab; 40% PIB mondial.

• L'influence des USA restent cependant fortes et crée des intégration en Amérique latine

  • 2005: signature d'un accord de libre-échange centre américain (ALECA)

  • accords bilatéraux passés avec de nombreux pays latino-américains (Chili, Pérou)

Conclusion – Croquis A p.271

Le continent américain, immense territoire, reste dominé par l'espace nord-américain, dont les USA, première économie mondiale et leader de la mondialisation. Face à l'Amérique du Nord, l'Amérique du Sud, composée de pays très inégalement développés et intégrés dans la mondialisation, multiplie les les organisations régionales pour résister au leadership étasunien, dans un contexte de mal-développement et de tensions autant internationales que régionales et locales. Ces tentatives d'intégrations répondent à des objectifs différents, révélateurs des conflits de puissance à l'échelle régionale des Etats émergents, dont le Brésil ou le Mexique, au sein de l'Amérique latine, tandis que les Etats-Unis tentent de créer une zone de libre-échange élargie à l'ensemble du continent américain, qui lui seraient favorable et lui assureraient influence et approvisionnement.

Ouverture 1: Question de l'émergence et du conflit de puissances régionales, révélatrices de l'émergence du monde multipolaire.

Ouverture 2: Ambitions régionales des USA, contrées par un nouvel acteur, le Brésil.